Doctorante en sociologie sous la direction de Florent Schepens
Carrières des travailleuses et travailleurs du sexe. Socio-anthropologie d'un groupe social
L'activité prostitutionnelle est légale en France, ce qui n'est pas le cas du proxénétisme ou ? des clients. Pour Lilian Mathieu (2000), le monde social de la prostitution n'est pas homogène tant du point de vu des identités sexuées (femme, homme, travesti?), que des lieux d'exercices (rue, véhicule, appartement, établissement clandestin?) ou des pratiques proposées et du rapport à la sécurité/santé. L'activité est fortement antagoniste (lutte territoriale) et concurrentielle. Pour Paola Tabet (1987), la prostitution est la version exacerbée des échanges économico sexuels qui sont la règle dans les relations homme/femme. Paola Tabet propose alors une anthropologie féministe analysant la prostitution sous l'angle de la domination masculine et du patriarcat. Si ces analyses sont valides, elles sont interrogées par l'association bisontine PDA (Putain Dans l'Ame) qui fédère des prostitués, ici appelé.e.s travailleurs et travailleuses du sexe (TDS). Dans une manifestation contre les feminicides, un des slogans de PDA était « Pute et soumise, si je veux ! ». Se réclamant d'un féminisme non-conforme redonnant une entière liberté sur les usages de leur corps aux femmes, PDA ne tente pas d'accompagner les TDS qui souhaiteraient se réorienter mais cherche plutôt à organiser l'activité en profession. Comme le montre Stéphanie Pryen, du fait de sa forte disqualification sociale, le travail du sexe « n'est pas un métier comme un autre » (Pryen, 2009 : 229). L'auteure relève pour autant tout un discours des prostitués tentant de subvertir la violence de leur activité à travers le discours de leur utilité sociale : oui leur activité est dangereuse à plus d'un titre mais, grâce à elles, il y a moins de viol, moins de violences faites aux femmes. Aux suites du master, nous savons que PDA va développer une rhétorique analogue cherchant à éduquer les hommes hétérosexuels dans leur rapport aux femmes, notamment en se souciant de leur apprendre ce qu'est le consentement. Les pratiques des TDS bisontines étonnent et dénotent avec les travaux sur le sujet : elles ne se cachent pas derrière un faux nom, des habits professionnels, un lieu d'exercice anonyme, les TDS semblent professionnaliser leur intimité personnelle et sexuelle. Ce qui ne les empêchent pas d'avoir une vie de couple par ailleurs. Pour Emmanuelle Santelli, les femmes utilisent la sexualité pour faire couple (quand les hommes sont capables de penser des rapports sexuels détachés de la possibilité du couple). Les TDS semblent pouvoir passer d'une sexualité de couple à une sexualité professionnelle. Quelles stratégies mettent-elles en place pour résister à leur activité ? Qu'en est-il des TDS hommes ? De plus l'activité semble choisie ? d'autres possibilités professionnelles s'offraient à elles.eux -, elle fait l'objet d'apprentissage, de désignation et d'habilitation. Il s'agira alors de s'interroger sur qui sont les TDS et sur les usages professionnels de la sexualité pour faire avancer la cause féministe.